Le sponsoring sportif en 2020 : de l’image à l’action
De 20 à 315 événements sportifs mondiaux ont été organisés en moyenne par an entre 1912 et 1977 jusqu’à dépasser la barre des 1000 événements en 2005, soit autant d’opportunités pour les marques qui ont vu progressivement un intérêt croissant pour l’industrie du sport, afin de pouvoir toucher une audience plus large. Ceci est compréhensible à en regarder les 2 milliards de téléspectateurs des J.O, 775 millions du Giro d’Italie ou encore 400 millions pour la coupe du monde de cricket.
Le sponsoring, un territoire d'innovations depuis ses débuts
Depuis l’apparition du sponsoring en 1861 à travers le financement de la tournée de l’équipe britannique de Cricket en Australie par l’entreprise de restauration Spiers & Pond, les entreprises ont progressivement pris conscience du potentiel médiatique et de visibilité des événements sportifs, avec pour but premier, un sponsoring « commercial », qui tend progressivement aujourd’hui vers un sponsoring plus durable, un sponsoring ayant du sens.
Au-delà du simple marketing de notoriété à travers le naming (ex : l’équipe FDJ-Groupama, l’Orange Vélodrome), le placement de produit ou l’affichage publicitaire, le sponsoring sportif permet également aux marques de rendre compte de la valeur d’un produit auprès des clients, plus couramment appelé « sponsoring de crédibilité ». Dans ce cas de figure, le sportif va conférer la légitimité de la technicité et fiabilité d’un produit et de la marque à travers sa simple utilisation. L’exemple du sponsoring chez les joueurs de tennis illustre parfaitement cette première typologie de sponsoring. En effet, il existe une dichotomie entre le matériel utilisé par les professionnels, et le même vendu en magasin : Novak Djokovic jouant avec une supposée Head Graphene Speed, mais en réalité avec un modèle d’usine personnalisé sous le nom de code : PT113BTT. Le grand public croyant alors en la technicité du matériel utilisé par l’actuel n°1 mondial, pensera acheter un matériel de qualité similaire à celui du serbe…en réalité un modèle entièrement marketé.
Les équipementiers l’ont bien compris, à en regarder cette étude réalisée par SportBuzzBusiness, recensant la part des équipementiers au sein du top 100 mondial, 76% étant couverts par seulement 3 équipementiers : Wilson (32%), Head (24%), et le seul français Babolat (20%). Existe-t-il une corrélation entre le nombre d’investissements sponsoring au sein du top 100 et la performance commerciale associée ? Avec un ambassadeur comme Rafael Nadal détecté à l’âge de 10 ans dont le modèle raquette (Aero) reste le plus vendu mondialement, une raquette Babolat est vendue toutes les vingt secondes. Avec un CA de 136M en 2017 dont 80% réalisé à l’étranger, la marque lyonnaise pourrait confirmer notre interrogation.
« En termes de stratégie de communication, les réseaux sociaux ont pris le pas sur le reste. Si un joueur fait passer un message, il a un écho nettement supérieur au nôtre. Quand on fait le lancement de la nouvelle raquette de Rafa (Nadal), on fait un post classique qui arrive très rapidement à 50 000 vues. Rafa fait le même, on passe à 900 000. […]. C'est multiplié 18-20 fois. » expliquait Antoine Ballon, directeur marketing du tennis chez Babolat dans une entrevue pour l’Equipe.
Mais un autre élément a radicalement fait évoluer le modèle du sponsoring traditionnel ; celui de la recherche de sens, tant pour les marques que pour les consommateurs. L’affichage seul ne suffit plus : les consommateurs veulent un intérêt personnel, et maintenant l'intérêt devient collectif. Les marques doivent aujourd’hui faire preuve de leur utilité à travers un message clair et à travers une expérience.
« People don't buy for logical reasons. They buy for emotional reasons.” - Zig Ziglar
Il est souvent évoqué en marketing la notion d’ « expérience de marque », qui constitue un ensemble d’émotions, sensations et perceptions vécues et ressenties par un consommateur à l’égard d’une marque à la suite d’opportunités de contacts avec cette dernière. Dans ce cas, il apparaît inévitable de parler de l’expérience de marque Redbull, construite au fil des années, bâtissant une solide réputation autour du marketing expérientiel associé à un slogan désormais phare « Redbull donne des ailes », en lien avec son secteur de prédilection : les sports extrêmes. En multipliant les partenariats et sponsoring avec de grandes compétitions (Redbull Cliff Diving, Redbull Bowl Rippers, Redbull Tout Schuss), Redbull contribue à renforcer son image de marque, mais surtout crée un lien d’autant plus étroit entre les consommateurs professionnels-amateurs, et la marque.
Des outils pour proposer de nouveaux axes de valorisation de partenariats
« Le Tremplin est le moyen pour FDJ de découvrir des activations digitales, efficaces et innovantes. C’est pour cela que nous en sommes partenaires depuis sa création, afin de trouver directement à la source des solutions qui pourraient être différenciantes pour FDJ et Parions Sport », Thierry Huguenin, responsable partenariats sportifs FDJ.
Le sponsoring avait tendance dans le passé à omettre un objectif qui semble logique mais pas suffisant : s'intéresser aux habitudes du fan. L’association entre SportFive et Data Talks autour de l’utilisation de la data afin de mieux comprendre les habitudes de consommation, de visionnage des supporters du RC Lens, illustre parfaitement les opportunités ouvertes par l’innovation technologique. En effet, les activations sponsoring ont toujours été difficiles à mesurer. Quel est le lien ?
SPORTAGRAPH, startup de la première promotion du Tremplin, a par exemple réalisé le potentiel de l’utilisation de la data à des fins marketing et communication : « La technologie est au service de l’instantanéité. Aujourd’hui les marques prennent leurs coms entre les mains, mais elles ont besoin d’avoir du contenu » nous précisait Edouard Binchet, Chief Growth Officer chez Sportagraph, outil de gestion de contenus pour la communication événementielle et marketing. En effet, aujourd’hui les marques viennent s’inscrire dans un contexte où le simple fait d’avoir du contenu (photo, vidéo) n’est plus suffisant : elles veulent du contenu en temps réel. Une solution comme Sportagraph, à l’aide de son IA, permet de récupérer l’ensemble des flux photos entrant sur un évènement et de faire de la détection de contenu (reconnaissance faciale, détection de logos, détection d’émotion, mise en comparaison des marques concurrentes…) de manière à ce que la marque puisse recevoir directement du contenu qu’elle pourra diffuser instantanément.
Cette notion d’instantanéité inscrit le sponsoring dans une nouvelle dimension que les marques ont tout de suite adopté, lorsque l’on sait que 78% des fans de sport souhaitent de l’information immédiatement disponible (selon l’étude « Sports Fans, Social Media and the Millennial Myth » publiée en 2016 par Synergy, agence de sponsoring). Mais comment proposer constamment un contenu personnalisé à chaque client cible et de manière instantanée ? C’est également le pari de Supponor et SportFive à l’aide de la réalité augmentée, dans le but d’afficher des marques sur les panneaux LED, des marques n’étant pas sur le territoire d’origine et ce en fonction d’un découpage par zones mondiales afin de permettre aux clubs d’accéder à des marques n’étant pas sur le territoire d’origine.
Avec l’arrêt de certains championnats, et le report de grandes compétitions internationales, les acteurs de l’industrie sportive ont été poussés à repenser leur modèle, et ce notamment à travers le Live et le digital afin de continuer à faire vivre aux spectateurs de belles émotions.
C’est le cas notamment du partenariat entre Amaury Sport Organisation et la plateforme ZWIFT pour l’organisation du premier Tour de France Virtuel cet été en attendant son départ réel fin Août. Cette initiative permet aux nombreux sponsors de l’évènement qui compte généralement en moyenne plus de 2,6 milliards d’audience, de pouvoir se rendre visible, mais également aux équipes brandées, qui avec le report du Tour, n’ont pas pu être exposés pour le moment. De plus avec le confinement et la restriction géographique pour les sorties running, certaines innovations ont pu se distinguer à travers un sponsoring ciblé, afin de toucher des consommateurs cibles, à travers des innovations technologiques présentes dans la vie quotidienne. C’est le cas de la startup RUNNIN CITY, permettant de découvrir plusieurs centaines de villes dans le monde en courant (ou marchant), et dont les parcours peuvent être sponsorisés par des marques, au-delà d’un simple affichage de logo sur la carte. C’est par exemple le cas d’Asics, qui en 2019, a choisi de sponsoriser des parcours de l’application, créant ainsi 120 nouveaux parcours, rendant l’expérience exclusive, brandée, et gamifiant la pratique en offrant des bons et goodies associés à la marque.
Comme énoncé précédemment, les initiatives digitales et numériques ont proliféré durant cette crise du côté des sponsors, avec un public virtuel que l’on a pu observer lors des matchs de LIGA, et grâce à des initiatives comme VOGO. La startup a annoncé ouvrir une nouvelle offre out-stadia avec le lancement de « places virtuelles » pour les organisateurs d’évènements, clubs, ligues, fédérations ayant droits et diffuseurs. A travers cette nouvelle offre, l’ensemble des fonctions in stadia telles que le live multicam, le replay, le zoom ou le slow motion seront disponibles à domicile, en temps réel et sur toutes les plateformes et terminaux. VOGO s’inscrit ainsi dans un modèle inédit en prenant en compte la contrainte physique de non accès sur le lieu de l’évènement, grâce au digital afin de permettre aux clubs et sponsors de continuer à toucher les nombreux consommateurs de sport.
De plus d’autres entreprises jouent avec cet aspect in-stadia et out-stadia, en jouant sur le jeu des caméras afin de mettre en avant des opportunités de visibilité pour certains sponsors.
« Au football, 70% de l’image qui passe à l’écran, c’est le terrain … » (Aurélien Hénon, Airprint)
La startup AIRPRINT fondée en 2017, s’inscrit dans une démarche innovante et écologique en ayant breveté une imprimante à air écologique pouvant reconstituer très fidèlement, n’importe quelle image ou logo sur un gazon, et ce sans que les joueurs sur le terrain ne puissent s’en apercevoir et de façon écologique. Cette innovation ayant séduit de nombreuses institutions prestigieuses telles que Leicester FC ou le PSG s’adresse à un marché des droits TV représentant plusieurs milliards d’euros, un marché qui tend à augmenter de 60% (à plus de 1,217 milliard d’euros annuels) malgré la crise actuelle.
Finalement, il existe des secteurs qui intrinsèquement, ont bénéficié de ce temps de crise pour affirmer leur légitimité grâce au digital. En effet, le « grand gagnant » de cette crise qui n’a pas eu à véritablement repenser son modèle, mais au contraire à le développer, est le secteur de l’esport. Si l’on prend l’exemple de la Chine, étant le plus grand marché dans l’esport et qui selon le cabinet Niko représentera plus 16 milliards de dollars US de CA en 2023 (soit 14 milliards d’euros), le report des grandes compétitions physiques a eu un impact notable, les poussant même à se restreindre à des évènements numériques locaux afin de garantir un niveau de connexion de bonne qualité. Malgré l’essor de ce type d’évènements numériques, les sponsors restent frileux en investissement, voulant privilégier les grands rassemblements physiques, plus engageants et avec une atmosphère bien spécifique. Or, certaines firmes ont bien senti cet engouement autour de l’esport, mais surtout, ont flairé le potentiel de collaboration entre les marques et les acteurs de l’esport. Et c’est le cas notamment d’ATHLANE, solution qui cherche aujourd’hui à être la fibre de connexion entre les streamers et les marques. Les marques peuvent utiliser le terminal Athlane pour gérer leurs parrainages, à travers l’exploitation dela data des propriétaires afin d’aider les marques à comprendre quels streamers sont suivis par leur public cible et si les produits auront ou non un écho auprès de ce public, ainsi que l’évolution de l’audience des streamers. À partir de là, ces marques peuvent envoyer des offres de parrainage aux streamers directement via le terminal Athlane, puis suivre le retour sur investissement de cette offre de parrainage tout au long de la campagne.
Une question reste alors en suspens : le digital ne serait-il pas une porte grande ouverte de visibilité pour les sponsors ? A en regarder les chiffres de la collaboration ZWIFT-ASO, avec plus de 88 953 inscrits, comptant entre 45 000 et 55 000 participants et 133 nationalités, cette expérimentation pourrait s’avérer inspirante pour d’autres organisateurs qui se posent la question de valoriser davantage leurs sponsors.
Ny Aina Ramangasalama, Vincent Chotel, Charles Frémont