Le confinement : le plus grand défi du sportif de haut niveau ?
Les mesures de confinement prises pour faire face à l’épidémie ont eu un impact direct sur la programmation des événements sportifs. Tant au niveau français qu’international, les échéances sont ainsi annulées ou reportées : Jeux Olympiques de Tokyo, Euro de football, Tour de France, championnats nationaux ou continentaux, Roland Garros et tant d’autres.
Les athlètes, confinés chez eux, se retrouvent dans un flou inédit, face au bouleversement du calendrier qui impacte leur préparation, ignorant la date de leur prochaine compétition.
Face à cette incertitude calendaire, les athlètes se doivent de conserver un niveau de performance et ce en dépit bien souvent de structures adaptées. Si de nombreuses initiatives voient le jour, sur les réseaux, pour maintenir sa forme physique, peu d’entre elles ne concernent que d’autres éléments déterminants de la performance, à savoir les aspects cognitifs et mentaux. Tour d’horizon des outils et méthodes, parfois méconnues, pour maintenir un niveau de performance.
Maintenir sa forme physique en période de confinement.
Beaucoup d’athlètes se sont retrouvés très rapidement confinés chez eux sans avoir forcément les équipements adaptés. Pour certains, le début de confinement a été le moment de couper réellement et régénérer les batteries. Yohan Durand, fondeur français, nous confie « avoir coupé l’entrainement une petite semaine car le prochain objectif est déja en septembre ». En effet, les conséquences d’une coupure totale et trop longue pour l’organisme peuvent s’avérer dommageables. Selon Pascal Balducci, docteur en sciences du sport et entraîneur de trail, « quelques jours suffisent à la désadaptation et donc à la baisse de la capacité de performance ». Le site Running4All précise notamment qu’une coupure de 3 semaines entrainerait une baisse de 8% de VO2 max et qu’en 2 semaines, il est possible de perdre presque 13% de son seuil anaérobie. De nombreux sportifs sont ainsi obligés de continuer leur entraînement bien que confinés et sans compétition prochainement, s’ils ne veulent pas redoubler de travail dans cette intersaison d’une durée inhabituelle.
Nombreuses sont les vidéos qui montrent les exploits de sportifs accomplissant des challenges à la maison plus fous les uns des autres, à l’instar de Jan Frodeno, triathlète allemand triple vainqueur du championnat du monde de l’Ironman. Grâce à sa piscine avec un contre-courant, un vélo d’appartement et un tapis de course, il a réalisé un Ironman chez lui ! Bien que dépassant ici le simple entrainement, cet exploit montre qu’il peut maintenir une certaine forme physique grâce à des équipements adaptés à sa discipline. Ce n’est malheureusement pas si facile pour tous les sportifs qui font face à une inégalité d’accès aux infrastructures aujourd’hui.
Certains d’entre eux ont d’ailleurs anticipé le confinement afin de rejoindre des lieux favorables et plus adaptés au maintien de leur pratique. Léonie Périault et Cassandre Beaugrand, triathlètes françaises, se sont confinées ensemble pour bénéficier d’une ligne d’eau et de home-trainers ou encore, Lucas Pouille a loué une maison avec terrain de tennis dans le sud de la France. Lorsqu’un aménagement était possible, des équipes ou clubs ont parfois pris le relai en faisant livrer à leurs athlètes des équipements pour maintenir un niveau de pratique conséquent. C’est par exemple le cas de l’équipe Groupama FDJ où tous les coureurs « ont été équipés en home-trainer Elite de qualité » atteste Frédéric Grappe, Directeur de la Performance. Jacky Maillot, médecin de l’équipe, a cependant averti ses coureurs sur les risques de déshydratation. « Lorsque l’on fait du home trainer une à deux heures par jour, on sue beaucoup et on perd donc beaucoup de sels minéraux ». Le confinement et l’adaptation à une nouvelle forme de pratique n’est ainsi pas sans risque.
Néanmoins, la réalité pour une majorité d’athlètes est toute autre. Face à un accès restreint aux équipements ou à la pratique collective, les athlètes axent plutôt leur entrainement sur des pans de leur physique qu’ils ont moins le temps de travailler généralement. Camille Bruyas, athlète engagée sur l’Ultra-Trail World Tour, essaie de « caler au moins une séance par semaine de renforcement musculaire ou des séances d’escaliers, tout en essayant d’être ludique », par des défis, des jeux entre partenaires d’entraînement. Nécessitant moins d’infrastructures, le renforcement musculaire est aujourd’hui l’aspect de la performance le plus simple pour de nombreux sportifs afin de se maintenir en activité malgré le confinement. Mais face à une certaine redondance et un entrainement individuel auquel ne sont pas habitués certains sportifs de pratiques collectives, un soutien mental et un suivi plus régulier sont parfois nécessaires. Les staffs médicaux tentent de conserver la motivation de leurs athlètes et utilisent la visioconférence pour des séances collectives, comme a pu le faire l’équipe de football de Tottenham.
Afin de limiter l’installation d’une certaine lassitude mentale liée à l’entrainement à domicile, des solutions interactives de pratique se sont développées et battent des records en ce temps de confinement. Le sport suppose des interactions que des innovations peuvent ainsi recréer. A l’image de la plateforme Zwift, aujourd’hui utilisée par de nombreux coureurs cyclistes professionnels, les athlètes peuvent s’entraîner en groupe depuis leur home trainer sur des parcours virtuels. Mieux encore, des courses y sont mêmes organisées : Greg Van Avermaet, de l’équipe professionnelle de cyclisme CCC, a remporté récemment le premier Tour des Flandres virtuel depuis son grenier et Charles Leclerc le Grand Prix virtuel d’Australie avec seulement cinq pilotes au départ. Et, pour ceux qui préféreraient des images réelles et non virtuelles, la plateforme Kinomap permet de retrouver une routine dans la confrontation même en étant chez soi tout en s’amusant. La plateforme a d’ailleurs vu augmenté considérablement son utilisation depuis le début du confinement, « il y a eu 300 000 sessions d’entrainement sur les 30 derniers jours contre 110 000 sur les 30 jours précédents » constate Philippe Moity, CEO de Kinomap.
Cependant, on va observer néanmoins une diminution inévitable des capacités physiques liées au haut niveau auxquelles il faut palier. « Ils peuvent maintenir leur condition physique, mais pas au même niveau atteint au sein d'un club » avance Jean-Pierre de Mondenard, médecin du sport dans une interview accordée à l’hebdomadaire Le Point. Le maintien d’une condition physique reste possible mais les athlètes de haut niveau sont à un tel niveau de performance physique qu’il devient difficile de maintenir ce niveau dans ces conditions de confinement. De surcroît, la performance de haut niveau ne se joue pas uniquement sur le physique mais d’autres aspects sont tout aussi déterminants, voire plus importants encore, tels les aspects cognitifs ou mentaux. Quelles méthodes et outils sont à leur disposition pour entretenir ces aspects de la performance en cette période de confinement ?
Le confinement est le moment idéal pour développer ses capacités techniques, cognitives et mentales.
Meriem Salmi, responsable du suivi psychologique à l’INSEP de 2000 à 2013, évoquait « l’intelligence émotionnelle et la capacité d’adaptation » propres aux sportifs de haut niveau. Il est important de considérer les aspects techniques, cognitifs et cérébraux et pas seulement physiques, car ils sont à la base de cette intelligence émotionnelle et de cette capacité d’adaptation.
L’INSEP, en relation avec le Ministère des Sports et l’Agence Nationale du Sport, a d’ailleurs diffusé un livret destiné aux sportifs et aux entraîneurs pour les accompagner aujourd’hui dans cette crise. En complément du travail réalisé par les fédérations et clubs, il sensibilise notamment l’athlète à la dimension mentale de sa performance. Gestion du stress, gestion du sommeil, comment faire ses courses, les personnes référentes à contacter, tout l’à côté du sportif y est décrypté. Mais, au-delà de cette gestion quotidienne de la vie de l’athlète pour limiter le stress, un travail plus spécifique est possible pour agir directement sur les capacités du cerveau.
Nombreuses sont les techniques qui permettent d’améliorer directement les capacités cognitives de l’athlète et ainsi les performances futures. Le travail sur le cerveau est une composante primordiale chez le sportif qui lui permet d’obtenir un avantage indéniable, en agissant notamment sur ses réflexes. Une solution comme LKPSport permet par exemple d’augmenter la concentration et la réactivité grâce à un système de cellules Led utilisables durant l’entrainement. Aussi, une solution telle Reflex-On offre quant à elle des bénéfices sur l’agilité motrice en développant la plasticité cérébrale ou la rapidité de réaction grâce à la réalité virtuelle. Au-delà de l’aspect réactivité pour le sportif, c’est la vision en général qui est travaillée. En effet, « 80 à 90% des décisions prises dans le sport reposent sur des infos visuelles », souligne Nicolas Marchais, orthoptiste et cofondateur d'E(ye) Motion. Cet organisme de formation utilise un programme et un module d’entrainement avec un champ de vision à 180° pour traiter plus d’informations plus rapidement. Travaillant habituellement avec les clubs professionnels tels le MHSC (football) ou l’US Carcassonne (rugby), Nicolas Marchais réfléchit d’ailleurs aujourd’hui à adapter son offre en période de confinement pour que les sportifs puissent continuer ce travail depuis chez eux.
Témoignant de l’importance des capacités cognitives, techniques et mentales de l’athlète, la simulation motrice est souvent utilisée pour optimiser le retour de blessure. Elle permet aux athlètes de conserver, durant leur phase de réathlétisation, des capacités cognitives fortes et ainsi reprendre la compétition le plus rapidement possible. En période de confinement, cette méthode joue également un rôle capital, d’autant plus que la période entre la sortie de confinement et la reprise de la compétition pourrait être limitée pour certains athlètes. La visualisation de gestes technico-tactiques dans sa tête permet de conserver la technique et aide à la réalisation effective de ce geste de manière plus aisée. « Ce que l’on a fait avec Claire (Calmels), cela m’a permis de gagner beaucoup de temps sur ma rééducation, sur ma mobilité, sur ma motricité […], et dès mon retour j’ai gagné les deux compétitions que j’ai faites » affirme d’ailleurs Gwladys Epangue, championne de taekwondo. Lorsque l’on s’imagine en train de faire un mouvement, on active les mêmes zones cérébrales que celles liées au contrôle musculaire de cette action.
Les sportifs de haut niveau savent visualiser mentalement leur activité dans les moindres détails. Aidés ou non d’un coach, ils ont la capacité de construire des scénarios positifs dans leur tête pour lutter contre le stress et se projeter en situation de performance et de victoire.
La visualisation mentale est d’ailleurs déjà utilisée largement dans d’autres disciplines. Il est fréquent de voir en haut du slalom, les skieurs répéter les enchainements de portes. Dans une autre mesure, Johann Zarco, pilote de MotoGP, dans une interview donnée à l’Equipe, affirmait « que la visualisation permet d’appréhender de nouveau la vitesse, de garder l’œil de l’analyse d’une courbe, les réflexes ». C’est un travail qui sera opéré avant la reprise. L’INSEP véhicule auprès de ses entraineurs olympiques une lettre pour les familiariser davantage à ces formes d’entrainement.
Ainsi, durant le confinement, l’activité des sportifs de haut niveau ne repose pas uniquement sur des pompes ou des workouts sur les réseaux sociaux mais bien d’autres aspects peuvent et doivent être maintenus comme on vient de le voir. Maintenant, un autre aspect déterminant reste totalement incontrôlable et inégal selon les athlètes et les pratiques, celui du financement. Si certains continuent de s’entrainer de manière optimale, ils ne sont pas sûrs de pouvoir continuer de vivre de leur pratique ou participer à des compétitions majeures si leurs sponsors ne les suivent pas.