Le Tour de France peut-il se rénover ?

Eurosport vient de réaliser une vidéo « Le Tour pour les nuls : c’est quoi la Grande Boucle ? » afin d’expliquer et promouvoir l’événement, symbole d’une méconnaissance et incompréhension alarmante, notamment chez les Millennials. Alors comment dynamiser l’épreuve ? La rendre plus accessible au plus grand nombre ? En cohérence avec son temps ? Ce sont des questions auxquelles se sont attaqués l’UCI et les organisateurs de la Grande Boucle avec la création d’un groupe de travail pour tenter de « retrouver de l’émotion ». Aujourd’hui, il est aisé de constater en interrogeant des proches, non familiers avec le cyclisme, que regarder le Tour de France constitue parfois une véritable épreuve, notamment pour les plus jeunes. Comment donc réconcilier les jeunes avec le Tour de France ? Et si la tranche d’âge des 18-35 ans était la clé pour retrouver de l’émotion et de l’accessibilité comme le souhaite l’UCI ? Pour nous, le chemin à parcourir est double ; d’un côté, le Tour devrait évoluer en proposant des formats novateurs et de l’autre, les technologies doivent s’atteler à le rendre plus abordable, immersif et ludique.

1.    Une adaptation nécessaire de la course pour la rendre plus stimulante

Il convient de rappeler que ce n’est que depuis 2017 que l’ensemble des étapes sont retransmises en intégralité. Les audiences de cette année sont excellentes et pourtant reviennent inlassablement les mêmes propos « tout se jouera dans la dernière ascension », « de toute manière les échappés vont se faire reprendre à 10km de l’arrivée » ou encore « les étapes de plats n’ont aucun intérêt la plupart du temps ». Ces verbatims traduisent une lassitude profonde et un besoin de renouveau dans la durée, au-delà de l’aspect purement sportif regagné cette année en l’absence de nombreux leaders. Ces constats amènent à imaginer quelques solutions alternatives pour stimuler les téléspectateurs. Des formats plus courts comme celui essayé lors de la 17e étape en 2018 (65km) ou imaginer une course à élimination régulière pourraient pimenter la course. C’est par exemple ce que le biathlon a réalisé en proposant le format sprint ou la mass start ou le triathlon avec le Super League Triathlon.

Côté spectateur, oui la Caravane du Tour est une fête à partager en famille, mais suffit-elle à elle-même ? On peut souvent entendre dire qu’au bord des routes, il est difficile de suivre la course en même temps, que les coureurs passent très vite et que finalement il est difficile de les voir correctement. La mise en place d’une technologie comme Vogo leur offrirait la possibilité de voir en replay, faire un ralenti ou un zoom au passage des coureurs. De plus, la dimension environnementale est évidemment centrale, les Millennials y étant très attachés. ASO montre son intérêt depuis quelques années à travers 3 thèmes (A vélo pour la planète, Ensemble à vélo et Dans la roue du Tour). Outre le tri mis en place et le passage aux véhicules électriques d’ici 2021, des actions complémentaires sont nécessaires pour limiter les déchets au passage de la caravane comme des produits et emballages entièrement biodégradables.

Pour autant, il n’est pas question de nier ici l’identité même du Tour, qui a fait son Histoire ; les moments difficiles, les combats de sportifs hors du commun, le dépassement de soi pour le meilleur et pour le pire. Il est nécessaire de lier la technologie à l’Histoire du Tour de France. Prenons le cas des oreillettes. Bien qu’elles aient augmenté considérablement la sécurité des coureurs, elles ont aussi diminué le rythme de course et l’incertitude qui garantissent du spectacle et de l’émotion. Pourquoi ne pas adopter des oreillettes exclusivement pour transmettre des informations sécuritaires fournies par Radio Tour ? Pourquoi ne pas permettre à certains moments de pouvoir écouter derrière son poste de télévision les messages, émotions des coureurs partagés avec leurs coéquipiers, comme cela peut être le cas en Formule 1 entre le pilote et son staff. De même, les capteurs de puissance permettent aux coureurs de gérer leur effort ce qui limite considérablement la prise de risque et l’instinct pour parfois faire la différence ; d’ailleurs, les organisateurs s’y opposent fortement.

 

2.    Des technologies poussées pour rendre le Tour accessible à tous.

Pour reprendre la comparaison avec le biathlon, de nombreux équipements ont été mis en place pour permettre aux téléspectateurs de suivre chaque moment de la course au plus près. Bien que ce soit sur un circuit fermé et une plus courte distance, de multiples caméras sont disposées dans les stades et il est possible d’entendre la respiration des biathlètes sur le pas de tir. Le Tour devrait s’inspirer de ces pratiques pour immerger les téléspectateurs dans la course. Il est possible d’imaginer la mise en place d’une caméra sur chaque vélo pour permettre aux téléspectateurs de choisir leur caméra préférentielle. Avec cette technologie, quel plaisir cela aurait été de vivre l’accélération de Alaphilippe et de Pinot de l’intérieur, lors de la 8ème étape entre Macon et St-Etienne, plutôt qu’une image une fois l’écart réalisé. Être au plus près de l’action est excitant. Pouvoir s’immerger dans un cockpit de Formule 1 ou disposer de la caméra arbitre en rugby sont autant d’exemples qui permettent de mieux se rendre compte de la performance réalisée. Des innovations ont déjà été mises en place à l’instar du compte @letourdata, fournissant nombreuses données en temps réel, encore faut-il s’y connaître pour pouvoir les interpréter.

 

 

D’autres moyens de consommer l’événement sont possibles. L’Etape du Tour de France « grand public » va dans le sens d’une plus grande accessibilité, pourtant on observe qu’elle est souvent consommée par des habitués. Bien que le cyclisme soit un sport exigeant, technique, il convient de trouver des leviers pour mieux expliquer ce qu’il se passe durant la course, de manière ludique avec l’aide de la technologie comme il est fait dans d’autres sports (les palettes explicatives tactiques dans le football, des images de synthèses sur les positions des formules 1 ou des descendeurs de ski suivant le temps de passage au même endroit, etc.). Il faut aller plus loin sur l’accessibilité et l’engagement et des innovations permettent de se mettre à la place de ses champions et coureurs préférés. C’est le cas de Kinomap qui permet de refaire les trajets des professionnels et ainsi pouvoir mesurer sa performance depuis son vélo d’appartement ou plus largement l’application Strava qui permet de se comparer aux temps des meilleurs.

 

Finalement, un changement de paradigme semble s’imposer pour donner un second souffle au Tour de France. Aujourd’hui, les évolutions ont principalement impacté la performance sportive et le bien-être des coureurs. Mais il est temps de s’intéresser à ceux qui font aussi la réussite du Tour de France ; les spectateurs et téléspectateurs. On l’a vu, d’autres disciplines ont bien compris cette nécessité de modernité pour passer des paliers et revenir sur le devant de la scène. Le Tour de France, malgré son Histoire inégalable, a quant à lui besoin de renouveau s’il veut rester au-devant de la scène dans le futur. Il fait aujourd’hui face à un défi de génération auquel il ne doit pas se détourner et trouver la bonne combinaison entre tradition et modernité. 

 

Constant CAPRONVincent CHOTEL