La technologie révolutionne la pratique handisport
Application sonore, fauteuil ultra léger et maniable, prothèse imprimée ou encore drone directionnel pour les athlètes aveugles, l’apport de la technologie est considérable dans le développement de la pratique handisport. L’accès aux pratiques et les performances sportives sont ainsi impactées directement et les perspectives d’évolutions demeurent nombreuses. Des startups et porteurs de projets investissent progressivement ce domaine.
Une course à l’innovation dans le handisport
Si il y a bien un domaine où les effets de l’innovation technologiques se font sentir, c’est bien dans le handisport. En l’espace de quelques décennies, les progrès technologiques ont considérablement bouleversé les modes de pratiques et élargi le champ des possibles pour les athlètes invalides. Nouvelles pratiques, règles sportives adaptées ou encore appareillages toujours plus sophistiqués, les changements sont nombreux et permettent aux athlètes de vivre leur passion et réaliser des exploits jusqu’à aujourd’hui inimaginables.
L’exemple des prothèses est significatif. De composition cuivre et bois peu maniables, elles sont devenues progressivement entièrement carbone, ultralégères et conçues selon la morphologie propre du membre amputé. Grâce à cette avancée, les athlètes s’émancipent. Le coureur américain Jannyd Wallace, amputé de la jambe droite, a notamment pu établir un temps de 10,71 secondes sur 100 mètres, soit 1,13 seconde de plus qu’Usain Bolt seulement. Ou souvenez-vous d’Oscar Pistorius, premier athlète à atteindre les minimas olympiques pour concourir avec les athlètes valides et qui se hissera jusqu’en demi-finale du 400m aux Jeux Olympiques de Londres en 2012.
Outre les prothèses, les fauteuils se sont aussi perfectionnés puisqu’ils ont perdu dix à quinze kilos depuis les années 70-80. Des fauteuils plus malléables et légers qui modifient les pratiques sportives et les possibilités de combinaisons des athlètes, spectacle garanti en foot ou basket fauteuil où les mouvements sont nombreux.
Dans de nombreux cas, ce sont les patients eux-mêmes, par leur volonté de pratiquer un sport bien particulier, qui sont à l’origine des avancées technologiques. Sportifs de haut niveau ou non, ils vivent au quotidien avec leur handicap. Ils sont donc les mieux placés pour renvoyer des informations utiles quant aux progrès technologiques à réaliser.
Rob Smith, anglais et joueur de rugby en fauteuil, a créé Active Hand, une société qui développe des gants permettant de faciliter la prise d’objets pour les athlètes qui n’ont plus de force dans les mains et qui sont en fauteuils. Conçu au départ pour sa pratique personnelle, de nombreux athlètes de haut niveau l’ont rapidement sollicité pour s’en équiper.
Début septembre, c’est Eric Dargent, surfeur de haut niveau, qui a présenté lors de 4ème Rencontres du progrès médical organisées à l’Institut Pasteur, une nouvelle prothèse de genou destinée aux amateurs de sports de glisse. Pesant 1,2 kg, dotée d’un amortisseur et de tendons flexibles, elle permet la pratique du surf, du skateboard et du cyclisme. Le modèle coûte 3.500 euros, contre 10.000 pour les autres modèles. Une innovation qui, selon lui, est « un moyen de récupérer plus rapidement, de limiter la douleur mais aussi de recréer du lien social ».
Du lien social, Goaleo compte bien en développer par l’intermédiaire de son réseau social dédié au sport. En partenariat avec la FDJ, la startup a développé une plateforme qui permettra aux personnes en situation de handicap de trouver des partenaires (handicapés et/ou valides) pour pratiquer, des lieux accessibles, des conseils, des témoignages. L’objectif est ainsi de favoriser et d’encourager la pratique sportive des personnes en situation de handicap.
Ces nouveaux outils qui facilitent la pratique handisport
Si les matériaux ne cessent de se perfectionner, de nouveaux outils facilitent cette évolution. L’un d’entre eux est l’imprimante 3D. Gain de temps, d’argent et production en série, cet outil accélère le changement et offre aux sportifs de nouvelles possibilités. Il n’est plus nécessaire de disposer de moyens colossaux pour se munir d’un appareillage, il n’est plus nécessaire de multiplier les rendez-vous avec le prothésiste avant d’arriver à un produit fini. Denise Schindler, cycliste allemande, qui a perdu sa jambe droite à l’âge de deux ans, était la toute première sportive à participer aux Jeux Paralympiques de Rio, avec une prothèse fabriquée grâce à l’impression 3D. Une prothèse dont le processus de fabrication n’a pris que 48h contre 10 semaines en temps normal. Une possibilité de s’adapter plus rapidement au changement et d’optimiser l’entrainement de l’athlète.
Le smartphone est également à l’origine de nombreuses solutions innovantes et d’applications qui facilitent l’autonomie des athlètes handisport. En voile, l’application Sara permet à tout marin de naviguer en ayant toutes les informations nécessaires pour manœuvrer leur bateau ou planche par des indications sonores. L’application fournit le cap, la vitesse par l’intermédiaire d’une voix sans que l’individu ne fasse quoique ce soit.
Les GPS intégrés sur ces smartphones peuvent guider les sportifs mal et non-voyants amateurs de course à pied ou randonnée. Un guidage réalisé généralement par une voix synthétique et saccadée qui prévient des obstacles et des virages. Grâce à ce système, le 13 juin 2015, Clément Gass, sportif quasi aveugle a utilisé le système « Navi’Rando » pour une première mondiale puisqu’ il a pu réaliser un trail de 26 km sans assistance.
Et désormais de nouvelles formes de guidage apparaissent grâce à la technologie. Eelkie Flomer, professeur associé au département d’informatique de l’université du Nevada (Etats-Unis), a développé un quadroptère comme partenaire de course. Un drone équipé de deux caméras qui vole devant l’athlète. Une caméra est braquée sur la piste pendant que la seconde cadre un repère placé sur le coureur lui-même. Le drone émet un son lui permettant d’être toujours repérable à l’oreille par le malvoyant. Ainsi, d’un côté, le drone respecte l’itinéraire et entraîne le coureur à sa suite, de l’autre, il reste lié à ce même coureur, s’adaptant même aux variations de vitesse. Le quadroptère est en effet programmé pour voler en permanence à trois mètres devant la personne, toujours audible.
En natation, c’est le textile connecté qui va servir les athlètes handisport. Jusqu’à aujourd’hui, la technique pour alerter les nageurs de l’approche du bord du bassin consistait à taper sur la tête avec une perche. Désormais, aucune assistance ne sera plus nécessaire. L’agence Cheil Espagne et Samsung Electronics ont développé un bonnet de bain qui alerte les athlètes directement grâce à des vibrations. Le coach peut être connecté au bonnet de l’athlète et lui signaler en un clic quand il doit effectuer son changement de sens.
Et si les performances sportives dépassaient celles des athlètes valides ?
Au regard de l’évolution rapide de l’assistance technologique, les athlètes handisport se munissent de supports technologiques qui optimisent la performance sportive, au point de se rapprocher véritablement des performances des athlètes valides. A partir de quel moment la technologie prend le pas sur les performances véritables de l’athlète ? Dans quelle mesure un athlète augmenté est-il favorisé par rapport à un athlète valide ?
Des chercheurs de la Southern Methodist University ont découvert que la légèreté des prothèses portées par Pistorius aux Jeux de Londres le rendait plus rapide qu’il ne l’aurait été sans elles.
Ces dernières années, les progrès conséquents dans les domaines de la robotique, de l’informatique et des sciences cognitives laissent entrevoir un potentiel important en matière de performance sportive. C’est pour cette raison que plusieurs sociétés suisses évoluant dans ces champs ont décidé d’organiser le Cybathlon, la première compétition de sport robotisé, avec des athlètes équipés de prothèses, d’exosquelettes et de dispositifs électroniques. Elle aura lieu le 8 octobre prochain à Zurich.
Pour chaque épreuve, deux médailles seront décernées : une à l’athlète et l’autre pour l’équipe de recherche ou l’entreprise qui aura fabriqué le système d’assistance robotisé. Celui-ci pourra être une prothèse myoélectrique, dont le fonctionnement est assuré par des électrodes recueillant les contractions musculaires de l’athlète, un exosquelette, un fauteuil roulant, ou encore des technologies plus futuristes comme les interfaces cerveau-machine. Les objectifs sont clairs, sensibiliser le public sur les défis et les opportunités des technologies d’assistance et encourager à l’innovation et au progrès technologique pour les athlètes handisport.
Et si demain ces athlètes dépassaient les capacités des sportifs valides ? Hugh Herr, directeur de recherches au Media Lab du MIT, amputé de deux jambes est designer de prothèses et de jambes bioniques. Amoureux d’alpinisme, il a conçu des prothèses spéciales qui non seulement lui permettent de pratiquer à nouveau ce sport mais également d’atteindre des prises que les alpinistes valides ne pourraient atteindre, grâce notamment à des crampons qu’il a soudé dessus. Ce chercheur s’intéresse désormais à la biomécatronique, qui veut intégrer la physiologie humaine dans l’électromécanique afin de créer « des structures qui font mieux que les capacités biologiques », comme il l’a annoncé durant une conférence TEDTalk en 2014.
Des perspectives infinies pour les sportifs en situation de handicap, qui pourront demain se lancer des défis qu’ils n’auraient certainement pas relevés en tant que sportif valide, à l’image de Philippe Croizon, l’aventurier amputé des quatre membres qui a déjà traversé la Manche puis relié les cinq continents à la nage et qui s’attaque désormais au Dakar 2017 avec un buggy spécialement adapté à son handicap.