L'innovation est-elle le secret de longévité du tennisman ?

Comme un air de nostalgie soufflera sur le Court Philippe-Chatrier en cette fin de quinzaine… Roger Federer est en demi-finale de Roland-Garros face au roi de la terre battue, Rafael Nadal, 14 ans après leur première confrontation en Grand Chelem. Ce qui signifie que les protagonistes ont aujourd’hui respectivement 37 et 33 ans.

Depuis le premier sacre de Roger Federer à Wimbledon en 2003, le Big Four historique (Federer, Nadal, Djokovic, Murray) a remporté 55 des 63 derniers majeurs. Cette statistique parle d’elle-même : les actuels trentenaires écrasent le tennis mondial depuis une quinzaine d’années… Le tennis mondial vieillirait-il ? Pourquoi les jeunes loups n’arrivent-ils pas à détrôner ces vieux briscards du circuit ? La passation ne semble pas s’établir… A l’heure des huitièmes de finales de l’édition 2019 du tournoi Parisien, on recensait cette année 50% de trentenaires (Federer : 37 ans, Wawrinka : 34 ans, Djokovic : 32 ans et Nadal : 33 ans).

Certes ces 4 joueurs sont hors normes, mais comment l’expliquer au-delà de leur simple talent et qualités tennistiques ? L’innovation n’a-t-elle pas quelque chose à voir dans ces secrets de longévité ? Quel rôle joue l’écosystème global du joueur dans sa performance ?

Continuer sa carrière jusqu’à plus de 35 ans était inconcevable il y a 30 ans : Bjorn Borg prenait sa retraite à 26 ans en 1983. Mieux, entre 1992 et 2017, on observe que la moyenne d’âge du top 10 est passée de 22 à 28,4 ans. Si l’on a tendance à parler d’innovation technologique, de capteurs (Qlipp), de vidéo ou statistiques (Mojjo, startup du Tremplin) de raquettes connectées (Babolat avec la startup du Tremplin PIQ), il faudrait d’abord se recentrer sur le cœur de la performance du tennisman : l’Athlète. Et cette performance passe aujourd’hui par des piliers essentiels : la nutrition et les soins.

 

 (Source : Tribune de Genève « Moyenne d’âge du top 10 masculin »)

 

L’innovation nutritionnelle au service de l’athlète

                     « Le sport c’est la santé, mais une bonne santé c’est un athlète performant : et cela passe par la nutrition », nous évoquait Rodolphe Cadart, ancien 164e ATP, à la tête de la Provence Tennis Académie à Aix-en-Provence. L’Académie a d’ailleurs souhaité ajouter en ses rangs un médecin nutritionniste depuis quelque temps à l’ensemble de son staff composé dorénavant de préparateurs mentaux, préparateurs physiques, kinés et de personnes maitrisant cette expertise désormais vue comme essentielle à la pleine performance d’un athlète. L’alimentation, mais pourquoi est-ce si important ? Pourquoi cela impacte autant l’effort ? Est-ce que chaque athlète réagit d’une manière différente à un programme nutritionnel ? On a tous en tête Martina Navratilova, qui déjà à l’époque avait émis l’idée des bienfaits des pâtes la veille d’un tournoi pour son propre jeu. Ce qu’ont compris les encadrants aujourd’hui c’est que chaque athlète est différent. Si chaque joueur porte ses propres qualités tennistiques, il en est de même pour leur métabolisme et leur manière de récupérer, sentir le stress, l’exprimer, éprouver l’effort et le gérer. Le maître mot serait le suivant : personnalisation. Aujourd’hui les athlètes font appels à des nutritionnistes pour la conception de programmes alimentaires individualisés pour optimiser leur performance. 

 

Gels, boissons isotoniques, compléments alimentaires … La liste serait trop longue mais ce qui est certain, c’est que la nutrition a pris une place considérable dans la vie des joueurs de tennis, secondaire il y a encore 15-20 ans. Les athlètes ont alors pris conscience de l’importance de la nutrition dans leur performance. C’est dans cette direction que par exemple la startup du Tremplin, Sport Diet, s’est spécialisée dans l’accompagnement personnalisé des sportifs selon la discipline, via des algorithmes et des programmes numériques : « l’entraînement commence dans l’assiette, avant on réduisait la nutrition à ce que l’on mangeait la veille et pendant le match, aujourd’hui il faut un suivi sur le long terme ». Grâce à des données scientifiques précises, on peut désormais identifier si les apports en nutriments, en « micronutriments » (Omega 3, vitamines) sont suffisants et bien absorbés par l’organisme, de manière à anticiper de potentielles blessures qui seraient éventuellement liées à une mauvaise alimentation par exemple. On anticipe mieux les situations de "subcarences" qui correspondent à l'apparition de symptômes malgré des résultats biologiques "dans les normes", cette zone de vigilance permet de réajuster l'équilibre entre les standards biologiques et les contraintes physiologiques intenses liées au haut niveau.

 

On le voit aujourd’hui, les athlètes oscillent entre apports en nutriments (nourriture classique), apports en micronutriments (éventuellement sous forme de compléments alimentaires) et alimentation spécifique de l’effort (gels, boissons énergétiques …) en bonne connaissances physiologique.

 

Et certaines startups vont encore plus loin, comme LSee (incubée au Tremplin) qui fournit ce qu’on appelle des « trackers métaboliques » qui permettent après un effort, via une minuscule piqure indolore, d’obtenir des informations sur notre métabolisme, l’efficacité de notre activité physique et finalement préconisera quel plat vous convient le mieux et à quel moment de la journée.

(Source : LSee)

 

Appelée communément 4e discipline dans le jargon des triathlètes, la nutrition on le voit est devenue un réel enjeu et un nouvel allié dans la carrière du sportif, et ce dans une nouvelle philosophie d’entraînement : l’efficience, c’est à dire s’entraîner moins mais plus efficacement. A l’image de Novak Djokovic qui a su rééquilibrer son régime alimentaire dû à une intolérance au gluten qui lui causait des « chutes d’énergie » drastiques durant ses matchs, et les joueurs vont même jusqu’à afficher fièrement leurs repas diététiques sur les réseaux sociaux.

Si vous voulez gagner un grand chelem à 36 ans, à vous d’établir vos petites recherches pour savoir comment s’alimente Federer …

 

Le conditionnement et la récupération au service de l’athlète

Grâce à des innovations liées à l’optimisation de la préparation et de la récupération des athlètes, les joueurs se sont de plus en plus professionnalisés, entourés désormais par une vaste équipe au service de sa performance et uniquement. Qui n’a jamais entendu parler en 2011 du fameux « Œuf » baptisé CVAC Pod de Novak Djokovic dont la compagnie assurait que cet œuf pouvait booster les performances sportives (amélioration de la circulation sanguine, augmentation du nombre de globules rouges, diminution de l’acide lactique…) ? L’optimisation de la performance obsèderait désormais les sportifs en quête de records, de longévité et d’efficience.

 

Mais si l’on évoque « l’avant match/entrainement », il faut parler de l’après et s’il y a bien une innovation qui a fait parler d’elle cette dernière décennie, c’est bien la cryothérapie. Historiquement la cryothérapie, a été introduite tardivement en France, en 2009 par le biais du sport avec la seconde implantation réalisée à l’Institut National du Sport, de l'Expertise et de la Performance, testée sur les cyclistes olympiques ! Aujourd’hui c’est Médimex, spécialisée dans le conseil et l’accompagnement des choix de solutions de rééducation et d'évaluation qui met à disposition son « Icelab » dans lequel s’immerge l’athlète jusqu’à -110 degrés. Petit à petit, cette innovation s’est étendue à l’ensemble des athlètes de haut niveau et notamment aux joueurs de Tennis, devenant aujourd’hui un moyen de récupération commun qui tend à se développer pour les joueurs amateurs. Fini les bains glacés bricolés, place à des cellules froides permettant à l’athlète de récupérer plus rapidement, en réduisant les inflammations par exemple.

 

(Source : INSEP)

 

Entre les 3 et 4h d’entraînement quotidien, les décalages horaires dus aux déplacements inhérents à la vie sportive d’un tennisman, l’intensité des matchs et la pression liée au résultat : le corps souffre et les blessures sont parfois inévitables… Et là aussi l’innovation a joué son rôle dans la gestion des blessures, et dans le processus de rééducation. L’entreprise Allyane en est le bon exemple grâce à son procédé de reprogrammation neuromotrice utilisé notamment par Sara Errani ancienne finaliste de Roland Garros en 2012. Ce n’est certainement pas un hasard si Paul Dorochenko (longtemps dans le staff de Roger Federer notamment) a rejoint les rangs de la structure qui aide les sportifs à surmonter les blessures et à optimiser leurs gestuelle grâce à une stimulation mentale. Dans un sport technique et exigeant comme le tennis, une blessure peut totalement altérer le geste d’un joueur après un arrêt. Et cela, Paul Dorochenko, kinésithérapeute, ostéopathe, préparateur physique d’athlètes de haut niveau et coach ATP (notamment de Roger Federer, Carlos Moya, Sergi Bruguera, Marc Rosset, Guy Forget…) l’avait bien identifié.

 

Au haut niveau, la victoire se joue à des détails. L’accumulation de tous ces gains marginaux via la nutrition, le conditionnement, la récupération, les soins, la gestion des blessures, semblent donner un avantage compétitif aux joueurs vers leur quête de victoire, dans un monde où l’écart entre le top 10 et le top 50 se joue à des détails infimes. Avec la personnalisation de la nutrition, de la récupération, la prise en compte de l’athlète au-delà de la simple tactique de jeu, on touche justement à ces détails qui peuvent faire toute la différence. L’innovation peut aider chaque joueur à capitaliser sur ses forces, les amplifier tout en gommant ses écueils.

Ny Aina RAMANGASALAMA & Maryline OTTMANN de l'équipe du Tremplin.